Synthèse énergétique et impact sur le climat
15 graphiques commentés pour comprendre le système énergétique de la France, son évolution et son impact sur le climat et positionner le pays par rapport au Monde et à l’Europe (UE+UK) mais aussi l’Allemagne à laquelle les français portent une attention particulière.
Avec l’identité de Kaya pour guide.
Cela fait beaucoup de graphiques mais c’est nécessaire pour obtenir une vue complète de l’énergie, de sa transition et de son impact sur le climat et pour comprendre les interactions et les leviers d’action pour la transition énergétique.
Il ne faut pas hésiter à sélectionner les plus pertinents pour votre bonne compréhension selon l’attention portée à l’énergie en général, à l’électricité ou au CO2. N’hésitez pas à décharger la version PDF pour avoir une vision globale et choisir ensuite les graphiques qui vous seront les plus utiles.
ABC
ÉCONOMIE
PIB par habitant
Constats-clés
- le PIB par habitant de la France a été multiplié par 2,2 en 50 ans. C’est moins que les grands voisins allemand et britannique (fois 2,4 tous les deux)
- le PIB français par habitant était 3,8 fois plus élevé que la moyenne mondiale en 1970, ce rapport est passé à 3,6 fois en 2022
- l’écart par rapport à l’UE+UK s’est réduit (+11% en 2022 contre +27% en 1970)
- le PIB français par habitant était égal au niveau britannique en 1970. Il est aujourd’hui inférieur de 6%
- la démographie française a été dynamique : la population a augmenté de 31% de 1970 à 2022 contre 23% pour l’UE+UK et 7,5% pour l’Allemagne.
ABC
ÉNERGIE
Consommation d’énergie primaire
Constats-clés
- le constat le plus visible est l’extraordinaire développement du nucléaire de 1980 à 2000
- avec le développement massif du nucléaire la France a réduit sa dépendance externe directe et fourni une électricité bon abondante et bon marché aux consommateurs et entreprises
- à la différence de la quasi-totalité des pays européens et de l’Europe (UE+UK), la consommation d’énergie primaire a continué d’augmenter substantiellement de 1980 à 2000 (+35% en France contre +8% pour l’Europe et -6% en Allemagne)
- le repli des fossiles n’en reste pas moins important : -35% de 1990 à 2022 mais ce n’est pas plus que l’Allemagne (-35%) et le Royaume-Uni (-33%)
- le faible développement des nouveaux renouvelables est illustré par la minceur de la surface verte : en proportion la France est 24ème sur les 27 pays de l’Union !
Intensité énergétique du PIB
Constats-clés
- avec 69 tep (tonnes-équivalent-pétrole) par million de US$2020 l’intensité énergétique du PIB français est, en 2022, 55% inférieure à l’intensité mondiale
- elle est 12% inférieure à celle de l’Europe (UE+UK)
- de 1990 à 2022 elle a diminué de 45%, 1,5 fois plus qu’au niveau mondial (la baisse mondiale n’est que de 30%)
- en 2022 elle est légèrement inférieure à celle de l’Allemagne (-4%) mais fortement inférieure (- 32%) à celle de la Belgique
- la désindustrialisation et la forte tertiarisation de l’économie française ont joué un rôle important dans la performance énergétique relative de la France
Mix énergétique
Constats-clés
- le poids du nucléaire dans le total de l’énergie primaire caractérise la France. Ce poids élevé différencie la France de tous les pays moyens et grands d’Europe (et du monde) et induit une économie largement décarbonée
- la part du nucléaire, bien qu’en baisse de 9% depuis 2011, reste proche d’un tiers
- la part des énergies fossiles reste, en 2022, supérieure à la moitié (53,6%) et ne baisse que marginalement (55% en 2001 et 52,1% en 2011)
- le poids du pétrole est stable (un peu plus d’un tiers) et celui du gaz en légère augmentation
- depuis 2011 le développement des nouveaux renouvelables, très lent, ne compense pas le recul du nucléaire. La part des énergies décarbonées ne progresse pas
- le maintien d’une part importante d’énergie décarbonée est donc à risque sous l’effet du vieillissement du parc nucléaire et des difficultés du nouveau nucléaire (cfr Flamanville)
Mix énergétique comparé
Positionnons le mix énergétique de la France par rapport au Monde et à l’Europe (UE+UK).
Constats-clés
- une proportion très élevée de nucléaire
- en conséquence, en 2022, une part des énergies décarbonées (46%) significativement supérieure à la part dans le Monde (18%) et en Europe (28%)
- la quasi disparition du charbon, une part du pétrole du même ordre de grandeur qu’en Europe et dans le reste du Monde et une part du gaz relativement faible
- les nouveaux renouvelables occupent une part faible par rapport à l’Europe et la progression est beaucoup plus lente qu’en Europe (et aussi qu’en Chine)
Consommation d’énergie finale par secteur
Données pour 2020 (dernière année publiée par l’AIE)
Constats-clés
- la consommation finale totale est de 2,0 tep par habitant en 2020 contre 2,1 en Europe, 2,6 en Allemagne et 1,2 dans le Monde
- la France est proche de la moyenne de l’Europe dans tous les secteurs sauf dans l’industrie
- l’écart dans l’industrie avec l’Europe (-22%) et plus encore avec l’Allemagne (-41%) s’est accru depuis 2000 (désindustrialisation)
- la consommation finale par habitant dans le résidentiel était supérieure de 12% à la moyenne européenne en 2000. En 2020 elle est égale à la moyenne européenne
- évolution semblable dans le transport : supérieure de 16% à la moyenne européenne en 2000 et seulement de 3% en 2019 (pas 2020 car impact Covid)
Consommation d’énergie primaire par habitant
Constats-clés
- le développement du nucléaire en France de 1980 à 2000 s’est accompagné d’une augmentation de la consommation d’énergie primaire par habitant : dans le même temps elle diminuait en Allemagne et augmentait beaucoup plus modérément dans l’ensemble de l’Europe
- à partir de 2000 elle amorce une diminution régulière pour descendre à 2,95 tep/habitant en 2020 (-25% par rapport à 1990)
- en 2022 le niveau est inférieur de 3% à la moyenne européenne et inférieur de 15,6% à l’Allemagne
ABC
ÉLECTRICITÉ
Taux d’électrification
Données de 1971 à 2020 (dernière année publiée par l’AIE)
Constats-clés
- le taux d’électrification en France est parmi les plus élevés au monde (la Chine fait mieux, 27% en 2022)
- il a progressé significativement lors de la période de développement du nucléaire pour dépasser dès 1985 les taux en Europe et en Allemagne
- le chauffage résidentiel et tertiaire et, dans une moindre mesure, l’industrie ont été les moteurs de ce taux d’électrification élevé
- le taux se situe en 2020 5% au-dessus de la moyenne mondiale, 4% au-dessus de la moyenne UE+UK et 6% au-dessus de l’Allemagne
- ce taux élevé constitue un atout important dans la transition énergétique
Mix électrique
Constats-clés
- la part du nucléaire dans la production d’électricité reste majeure en 2022 même si elle a diminué de +/- 15% par rapport à 2001 et 2011
- le gaz s’est renforcé jouant un rôle croissant d’adaptation de l’offre à la demande
- les nouveaux renouvelables ont progressé mais, nous le verrons, beaucoup moins que dans le reste de l’Europe
- à noter que la part du nucléaire a remonté en 2023. Sur base des données provisoires elle devrait s’établir à 76% (dans un contexte de baisse de la production française d’électricité par rapport à 2020 et 2021)
Mix électrique comparé
Constats-clés
- un mix électrique très différent en 2022 du mix mondial : dominance du nucléaire, absence du charbon, faible part du gaz
- un mix aussi très différent de celui de l’Europe (UE+UK) : dominance du nucléaire, absence du charbon, part faible du gaz, part des nouveaux renouvelables (14,7%) de moitié inférieure à la part en Europe (29,7%)
ABC
CLIMAT
Intensité en CO2 de l’électricité
Constats-clés
- la dominance du nucléaire conduit à une performance remarquable de décarbonation de la production d’électricité
- en 2022 les émissions ont été de 56 gCO2/kWh contre 255 gCO2/kWh (4,5 fois plus) en Europe et 395 gCO2/kWh en Allemagne (7 fois plus !)
- la légère remontée en 2022 est due à la très faible disponibilité du parc nucléaire français (corrosion sous contrainte)
Intensité en CO2 de l’énergie
Constats clés
- l’intensité en CO2 de l’énergie est, en 2022, remarquablement basse en France (25% inférieure à l’Europe et 42% inférieure à la moyenne mondiale)
- l’essentiel de la baisse s’est produite de 1980 à 2000 (développement du nucléaire)
- depuis 2000 elle ne baisse plus à la différence de l’évolution en Europe (UE+UK)
- l’écart avec l’Europe qui était de 1,0 TCO2/tep en 1995 est descendu à 0,5 TCO2/tep en 2022
Intensité en CO2 du PIB
Constats-clés
- l’intensité en CO2 du PIB français se situe à un des plus bas niveaux au Monde
- depuis 1970 cette intensité en CO2 du PIB a été divisée par 4,5 et depuis 2000 elle a diminué de 43%
- elle est, en 2022, inférieure de 34% à la moyenne de l’Europe, de 37% à l’Allemagne et de 53% aux USA
- elle est aussi, toujours en 2022, 6,7 fois moins élevée que celle de la Chine
- le constat doit cependant être nuancé au vu des importations importantes de CO2 (voir section émissions, importations et consommation de CO2)
Emissions, importations et consommation de CO2
Constats-clés
- les émissions de CO2 d’origine énergétique ont baissé dans l’absolu de 96 MTCO2 de 1990 à 2022 (-24%)
- les importations nettes (dans les biens importés et exportés) ont cependant augmenté fortement de 1997 à 2008 : augmentation de 63% pour atteindre 154 MTCO2 soit 40% des émissions nationales
- la consommation n’a baissé dans l’absolu que de 96 MTCO2 de 1990 à 2022 (-23,5%)
- dans le cadre du Protocole de Kyoto la France s’était engagée à baisser en 2008-2012 ses émissions de GES d’origine énergétique de . . . 0% par rapport à 1990 (le niveau de 1990 était déjà faible compte tenu du développement du nucléaire). Sur base des émissions de CO2 d’origine énergétique l’objectif a été dépassé (-6% en moyenne de 2008 à 2012)
- la France, comme d’autres pays, illustre cependant les limites des engagements basés sur les émissions et non sur la consommation intégrant les importations. En effet la consommation de GES d’origine énergétique a augmenté en moyenne que de 3% sur la période 2008-2012 par rapport à 1990.
Emissions de CO2 par habitant
Uniquement le CO2 d’origine énergétique (les autres gaz à effet de serre et le CO2 non énergétique ne sont pas repris)
Constats-clés
- les émissions de CO2 par habitant ont diminué fortement de 1980 à 1990. Elles ont été ensuite stables jusqu’en 2005 et ont à nouveau diminué depuis lors
- l’indicateur s’établit en 2022 à un niveau inférieur de 27% à la moyenne de l’UE+UK et de 6% à la moyenne mondiale. Il est inférieur de 45% à celui de l’Allemagne
- toutefois le niveau de consommation de CO2 par habitant est de 5,8 TCO2/habitant/an en 2022, supérieur de 25% à la moyenne mondiale mais inférieur de 21% à la moyenne de l’Europe (UE+UK)
ABC
Que retenir ?
- le système énergétique de la France s’est très largement décarboné dès les années 1980 sous l’effet du développement du nucléaire
- la désindustrialisation et la tertiarisation de l’économie ont accentué la décarbonation à partir du début des années 2000
- l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le résidentiel et, dans une moindre mesure, dans le transport ont été un troisième vecteur de décarbonation
- en matière d’émissions de CO2 la performance de la France est, en 2022, parmi les meilleures quel que soit l’indicateur (par unité de PIB, par unité d’énergie primaire, par habitant)
- le développement des nouveaux renouvelables est largement inférieur à la moyenne de l’Europe
- le haut niveau de décarbonation est donc fort dépendant du maintien de la part du nucléaire dans les mix électrique et énergétique. Ce maintien n’est pas garanti : vieillissement du parc nucléaire, difficultés du nouveau nucléaire dans un contexte de hausse de la consommation d’électricité)
- la France a plus que respecté les engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto en terme d’émissions. Cependant la performance en terme de consommation nuance ce constat positif
© Michel Allé
Janvier 2024