Coût et calendrier : faits et chiffres
Le retour d’expérience (« REX ») est une pratique éprouvée et indispensable aux ingénieurs. De l’expérience passé nous apprenons les bonnes pratiques à respecter, les erreurs à ne pas répéter et nous nous donnons des références utiles en matière de coût et de calendrier d’investissement. Cela permet aussi d’anticiper ce qui risque de se passer dans le futur si les leçons ne sont pas tirées ou si corriger les erreurs n’est pas possible.
Se pencher en détail sur les projets d’EPR conduits par EDF à Flamanville (France) et Hinkley Point (Royaume-Uni) est donc un exercice bien utile. Cette analyse est réalisable car EDF, longtemps société cotée en bourse, a communiqué régulièrement sur les décisions relatives aux EPR de Flamanville et Hinkley Point C et sur leur avancement.
L’ambition de l’ERP
Le réacteur pressurisé européen, d’abord appelé European Pressurized Reactor pour être ensuite renommé Evolutionary Power Reactor, appartient à la filière des réacteurs à eau pressurisée (génération III). De forte puissance (+/-1.600 MWe) il a été conçu dans les années 1990 par la co-entreprise franco-allemande NPI (Nuclear Power International) et développé ensuite par Areva NP (Groupe Areva 66% et Siemens 34%), en partenariat avec EDF et les électriciens allemands qui ont participé au financement du développement et ont apporté le savoir-faire technique acquis par l’exploitation de leur parc nucléaire. Siemens se retirera du projet lorsque l’Allemagne se désengagera du nucléaire et, à partir de 2011, l’EPR sera développé par EDF et Areva NP.
Les ambitions seront grandes dès le début.
En décembre 2003 le consortium Areva-Siemens signe le contrat de construction d’un premier EPR à Olkiluoto (Finlande). La construction doit durer 4 ans pour un coût « overnight » de 3 milliards €.
En octobre 2004, le Conseil d’administration d’EDF décide d’engager le processus de construction d’un EPR à Flamanville. Le réacteur est considéré comme une « tête de série », son coût « overnight » (hors intérêts intercalaires) est fixé à 3,3 milliards € (2005) et le délai de réalisation est prudemment estimé à 8 ans. Les chiffres que nous présenterons par la suite seront toujours hors intérêts intercalaires.
Le coût complet de l’électricité produite est estimé en 2004 à 41 €/MWh et, en 2007, EDF indique que l’EPR de Flamanville « délivrera par ailleurs, à partir de sa mise en service prévue en 2012, une énergie de base compétitive utile pour faire face aux évolutions de la demande. En effet, le coût complet de Flamanville 3 a été estimé en 2006 à 46 euros/ MWh (en euros 2005).1». EDF indique aussi assumer « le rôle d’architecte ensemblier . . . afin d’être prêt au plan industriel à l’horizon du renouvellement de son parc :
- en maîtrisant un modèle de réacteur techniquement éprouvé et conforme aux exigences de l’Autorité de Sûreté Nucléaire ;
- en disposant d’une organisation industrielle opérationnelle, mise en œuvre lors de la construction du premier modèle ;
- en ayant acquis l’expérience d’exploitation suffisante d’une tête de série, avant de mettre en chantier une éventuelle série.[1]».
Fin 2007, EDF a attribué près de 95 % du montant total des contrats et, à la suite d’appels d’offres internationaux, tous les principaux contrats ont été notifiés, dont le plus important d’entre eux, le contrat chaudière conclu avec Areva qui redevient le plus grand fournisseur d’EDF.
L’objectif pour EDF, en 2006-2007, est aussi de déployer très rapidement l’EPR à l’international en s’associant à des partenaires :
- aux USA, un accord avec Constellation Energy, signé en juillet 2007, vise à développer, réaliser, détenir et exploiter conjointement, à l’horizon 2020, des centrales nucléaires EPR (au minimum 4)
- ENEL (électricien italien) prend en novembre 2017 une participation financière de 12,5% dans l’EPR de Flamanville avec la perspective de participer aux 5 EPR français suivants
- en Chine, un accord avec China Guangdong Nuclear Power Corp. (CGNPC), signé en novembre 2007, permet à EDF de devenir investisseur et opérateur de deux unités EPR à Taishan
- au Royaume-Uni, dans le cadre de la relance du nucléaire, EDF vise à développer jusqu’à 5 EPR du type de celui de Flamanville, avec un premier réacteur mis en service à l’horizon 2017.
Le développement n’en reste pas là. Le 3 juillet 2008, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, annonce la construction d’un deuxième réacteur nucléaire EPR, et le 1er avril 2009, le Conseil d’administration d’EDF donne son accord pour engager le processus devant aboutir à la construction de cet EPR sur le site de Penly en Seine-Maritime.
Nous reviendrons plus loin sur la concrétisation des projet britanniques en particulier sur les 2 EPR d’Hinkley Point C.
[1] Groupe EDF, Document de référence 2007, page 47
Evolution du coût de l’EPR de Flamanville
Le coût attendu de l’EPR de Flamanville sera régulièrement revu à la hausse:
- le coût d’investissement « overnight » de l’EPR à Flamanville est estimé en 2006 à 3,3 milliards € (aux conditions économiques de 2005)
- il est réévalué en 2008 à 4 milliards € (2008). La réévaluation prend en compte l’inflation des années 2006 à 2008, l’effet des indices de prix prévus dans les contrats, les évolutions techniques, réglementaires et de périmètre du projet, ainsi que le réajustement des provisions pour aléas
- en juillet 2010 il est porté à 5 milliards € (2008) et en juillet 2011 à 6 milliards € (2008).
Une nouvelle réévaluation intervient en décembre 2012, EDF indiquant : « Au-delà de l’effet « tête de série » − Flamanville 3 est la première centrale nucléaire construite en France depuis 15 ans −, certains facteurs ont pesé sur ce coût. Ainsi, cette réévaluation tient compte des dépenses complémentaires liées à des aléas industriels (. . .). Ont également été intégrés les études d’ingénierie supplémentaires, la prise en compte des nouvelles exigences réglementaires, dont l’arrêté relatif aux équipements sous pression nucléaires, ainsi que les enseignements post-Fukushima.[2]». Le coût est porté à 8 milliards € (2008) soit, en euros constants, 2,3 fois l’estimation qui avait fondé la décision du Conseil d’administration de 2004.
[2] Groupe EDF, Document de référence 2012, page 58
EDF prend des mesures visant à assurer un meilleur contrôle du projet. C’est ainsi que « L’année 2015 marque la création de la Direction Ingénierie et Projets Nouveau Nucléaire, qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie CAP 2030 du groupe EDF fixant les orientations pour l’avenir. Cette direction regroupe les unités d’ingénierie qui contribuent à la préparation des réacteurs de demain, aux projets de construction en cours et à l’appui du parc en exploitation. Elle porte les priorités fortes du groupe :
- amélioration de la performance des projets du nouveau nucléaire (principalement Flamanville 3 et Hinkley Point C)
- préparation des réacteurs de demain
- rapprochement avec les équipes d’Areva en vue d’une meilleure efficacité.[3]».
En septembre 2015 le coût est cependant réévalué à 10,5 milliards € (2015) soit une nouvelle augmentation de 21% en euros constants.
[3] Groupe EDF, Document de référence 2015, page 29
Dès avril 2015 des essais chimiques réalisés sur le fond de la cuve et le couvercle du réacteur montrent que des paramètres de composition n’avaient pas été respectés. Il s’avérera que les teneurs en carbone dans les calottes de fond de cuve et de couvercle étaient plus élevées que spécifié. Elles sont dues à des irrégularités dans les dossiers de fabrication au sein de l’usine Areva de Creusot Forge[4] et conduiront EDF à accompagner Areva NP dans la mise en place d’un programme pour justifier l’aptitude au fonctionnement en toute sûreté des équipements en question. La solution à ce problème aura pour conséquence le remplacement du couvercle de la cuve, après une première mise en service. Début 2024, ce remplacement est prévu en 2026.
[4] L’Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) avait informé EDF dès le 16 décembre 2005 des écarts de qualité à l’usine de Creusot Forge.
Le 30 novembre 2017 EDF déclare un nouvel évènement significatif « relatif à la détection d’un écart dans la qualité de réalisation des soudures du circuit secondaire principal qui évacue la vapeur des générateurs de vapeur vers la turbine. Ce circuit a été conçu et fabriqué selon le principe dit d’« exclusion de rupture ». Cette démarche consiste en un renforcement des exigences de conception, de fabrication et de suivi en service. Ces renforcements, voulus par EDF, s’accompagnent d’une exigence dite de « haute qualité » dans la réalisation de ces circuits. Or ces exigences ont été appliquées au stade de la conception, mais n’ont pas été correctement intégrées dans la réalisation des soudures.[5]». En outre, en 2018, une visite complète intiale, préalable à la mise en service, permettra de détecter d’autres écarts de qualité de soudures bien que « conformément aux procédures industrielles, les soudures avaient été contrôlées par le groupement des entreprises en charge de la fabrication du circuit. Le groupement des entreprises les avait déclarées conformes, au fur et à mesure de leur réalisation.4». Ce nouveau problème conduira à une nouvelle hausse de coût mais surtout à un report de 3 à 4 ans de la mise en service.
[5] Groupe EDF, Document de référence 2018, page 448
En octobre 2019 le coût total « overnight » (hors intérêts intercalaires) est estimé à 12,4 milliards € (2015) et en décembre 2022 à 13,2 milliards € (2015) soit, en euros constants, 3,8 fois l’estimation qui avait fondé la décision du Conseil d’administration de 2004. Quant aux intérêts intercalaires ils s’élevaient à 3,471 milliards € au 31 décembre 2021.
Le graphique ci-après reprend, en euros constants de 2020, l’évolution du cout d’investissement « overnight » (hors intérêts intercalaires) par kWe. On a aussi porté dans le graphique l’estimation de coût retenue dans l’étude périodique menées en 2020 par l’AIE sur le LCOE (« Levelized Cost of Energy ») des différentes sources d’énergie ainsi que le coût au kWe suggéré en 2021 à RTE par le gouvernement français pour l’étude « Futurs énergétiques 2050 » (coût des 2 premiers EPR – hypothèse haute).
Evolution du délai de mise en service
En 2004 EDF estimait à 41 €/MWh le coût de l’électricité produite ce qui correspond à 49,7 €2020/MWh. Deux autres estimations ont été communiquées en 2007 (46 €2005/MWh) et 2008 (54 €2008/MWh) ce qui correspond respectivement à 54,8 €2020/MWh et 60,7 €2020/MWh. Depuis lors EDF n’a plus communiqué d’estimation de ce coût total.
On peut cependant estimer le niveau actuel de ce coût. Sur base de la dernière estimation de coût d’investissement et du dernier calendrier de mise en service commercial communiqué par EDF (y compris l’interruption pour remplacement du couvercle de la cuve en 2026) le coût au kWh s’établit dans une fourchette de 125 à 150 €2020/MWh.
Retour d’expérience chez EDF
Le coût du nouveau nucléaire mis en œuvre depuis le début des années 2000 est donc sensiblement plus élevé que le nucléaire historique. Sa pertinence pour assurer une énergie de base compétitive pose donc question. Les causes de l’augmentation ont été analysées par Jean-Martin Folz dans un rapport d’octobre 2019 au PDG d’EDF, La Construction de l’EPR de Flamanville.
Sa lecture permet d’en savoir plus. L’analyse des causes de dérapage est faite au scalpel. On en retient des estimations initiales irréalistes, des études insuffisamment avancées au lancement et des relations insatisfaisantes avec les entreprises exécutant les travaux. Le plus interpellant est le constat d’une perte de compétence généralisée face à des projets de plus en plus complexes et ce dans un contexte réglementaire en évolution continue.
Hinkley Point C : le nouveau nucléaire français au Royaume-Uni
C’est donc dès 2007 que l’ambition d’EDF de construire plusieurs EPR au Royaume-Uni se développe. En mai 2007 le gouvernement publie son « White Paper on Energy » et, après une vaste consultation publique, il donne le 10 janvier 2008, son feu vert pour la construction de nouvelles centrales nucléaires. EDF a alors la volonté de mettre en service un premier réacteur dès 2017.
Le processus de mise en place du mécanisme de prix auquel sera soumis le nouveau nucléaire britannique prendra cependant du temps. À la suite de la consultation sur la réforme du marché de l’électricité, en mars 2011, le gouvernement britannique publie, le 12 juillet 2011, « Planning our electric future: a white paper for secure, affordable and low-carbon energy » dans lequel il définit sa position sur la réforme du marché de l’électricité. La rémunération du futur nouveau nucléaire sera basée sur le principe du « Contract for Difference » par lequel l’opérateur se verra indemnisé par l’état si le prix de marché est inférieur au prix convenu et remboursera à l’état si le prix de marché est supérieur au prix convenu.
Début 2012 EDF Energy, la filiale britannique d’EDF ne s’est toujours pas vu attribuer de licence mais Nicolas Sarkozy considère la chose acquise et obtient une déclaration commune lors du sommet franco-britannique du 17 février dans laquelle les deux parties constatent que « Le programme britannique de construction de 16 GW de capacité de production nucléaire, dont les quatre EPR annoncés par EDF Energy et son partenaire Centrica, permet à l’industrie nucléaire d’entrer dans une nouvelle phase de développement qui va créer plusieurs milliers d’emplois au Royaume-Uni et en France. (. . . ) La construction de ces quatre EPR sera l’un des projets les plus importants menés en Europe, pour un investissement de l’ordre de 20 milliards de livres.[6]». Un effet d’annonce remarquable mais il est vrai qu’en février 2012 l’hôte de l’Elysée est en pleine campagne pour sa réélection.
[6] Déclaration conjointe franco- britannique sur le partenariat en matière d’énergie nucléaire, le 17 février 2012
Fin 2012 l’Office for Nuclear Regulation accorde une licence à NNB Generation Company, la structure créée par EDF Energy, pour construire une nouvelle centrale comprenant deux EPR sur le site de Hinkley Point C.
La négociation sur les termes financiers durera une bonne partie de l’année 2013. Le 21 octobre 2013 les termes principaux (« Heads of Terms ») de l’accord sont conclus entre le Secrétaire d’État à l’Énergie et au Changement climatique et EDF :
- le projet bénéficiera d’une garantie de financement dans le cadre du programme mis en place par le gouvernement britannique
- le « Contract for Difference » sera basé sur un prix de référence de 92,5 £/MWh (2012) et indexé sur l’indice des prix à la consommation britannique pour une durée d’opération de 35 ans
- si 2 EPR supplémentaires sont construits à Sizewell le prix de référence sera abaissé à 89,5 £/MWh (2012).
Le coût de construction « overnight » annoncé est alors de 14 milliards £2012 auquel se rajoutent des coûts de développement (terrains, autorisations, constitution de l’équipe, etc.) de 2 milliards £2012. Le coût total « overnight » est donc, fin 2013, estimé 16 milliards £2012. On est déjà relativement loin des 20 milliards £ annoncés par Nicolas Sarkozy début 2012 pour 4 EPR. Quant au taux de rentabilité prévisionnel (IRR) il est annoncé à 10%.
La structure financière se clarifie aussi. Centrica, qui avait l’option de participer au projet pour 20%, a annoncé en février ne pas lever cette option, le profil de cet investissement ne correspondant pas aux priorités et attentes de ses actionnaires. Mais EDF annonce que l’actionnariat devrait s’établir ainsi :
- Groupe EDF : 45-50%
- Areva : 10%
- China General Nuclear Corporation (CGN) et China National Nuclear Corporation (CNNC) : 30-40 % ;
- d’autres investisseurs pourraient représenter jusqu’à 15%.
Evolution du coût des deux EPR d’Hinkley Point C
Le projet peut donc officiellement démarrer fin 2013. Mais l’ensemble des travaux préparatoires durera cinq ans puisque le premier béton ne sera coulé que fin décembre 2018.
Des rumeurs circulent rapidement au Royaume-Uni sur l’évolution du coût du projet. En 2016, son coût estimé est de 18 milliards £ nominal (ce qui est cohérent avec 16 milliards £2012) avec une réserve de 15%. Devant le bruit médiatique sur l’évolution du coût, EDF publie le 12 mai 2016 un communiqué sec et très clair qui mérite d’être repris in extenso :
Le 28 juillet de la même année le Conseil d’administration valide définitivement le projet sur base de ce montant et d’un taux de rentabilité interne de 9%. En septembre 2016 un accord sera signé par EDF avec le chinois CGN permettant à celui-ci d’entrer dans 3 projets du Nouveau Nucléaire en Grande Bretagne initiés par EDF à Hinkley Point (33,5 % dans HPC), à Sizewell (20 % dans SZC) et à Bradwell (66,5 % dans BRB).
Le coût va cependant évoluer à la hausse, progressivement d’abord, plus rapidement récemment :
- en juillet 2017 EDF annonce que le coût « overnight » s’établit à 19 milliards £2015 en augmentation de 1,5 milliard £2015 par rapport aux évaluations précédentes.[7]». Le taux de rentabilité prévisionnel (TRI/IRR) descend à 8,5%
- en juin 2019 les coûts à terminaison du projet sont estimés entre 21,5 et 22,5 milliards £2015. Les surcoûts résultent essentiellement des conditions de sol difficiles, ayant rendu les travaux de terrassement plus coûteux que prévu, de la révision des objectifs des plans d’actions opérationnels, et des coûts supplémentaires liés à la mise en œuvre du design fonctionnel d’une tête de série adaptée au contexte réglementaire britannique. Le taux de rentabilité prévisionnel (TRI/IRR) descend à 7,6%-7,8%
- une nouvelle revue des calendriers et couts est finalisée en janvier 2021. Le coût monte à 22-23 milliards £2015 et le TRI descend à 6,9%-7,2%. C’est d’ailleurs la dernière fois où un taux de rentabilité prévisionnel sera communiqué par EDF.
- en mai 2022, une nouvelle revue porte le coût « overnight » à terminaison du projet à 25-26 milliards £2015. C’est, en monnaie constante, 50% de plus que l’estimation qui a basé les accords de 2013.
[7] Communiqué de presse du 3 juillet 2017 « Précisions sur le projet Hinkley Point C »
Début 2024, le 23 janvier, EDF annonce une nouvelle revision très significative. Différents scénarios sont mentionnés en termes de calendrier et de coût. Dans les scénarios les moins défavorables le coût « overnight » total s’établit dans la fourchette 31-34 milliards £2015. Il est précisé, sobrement, que le coût du Génie Civil et l’allongement de la durée de la phase électromécanique (ainsi que sa conséquence sur les autres lots) sont les deux principales causes de cette révision du coût de construction. Le milieu de la fourchette (32,5 milliards £2015) est, en monnaie constante, près de deux fois plus élevé que le coût estimé en 2013.
Le graphique ci-après reprend, transposé en euros constants de 2020, l’évolution du coût d’investissement « overnight » (hors intérêts intercalaires) par kWe. Pour la conversion de livre sterling en euros trois méthodes ont été utilisées. Bien que donnant des résultats très semblables nous avons, par prudence retenu les valeurs les moins élevées. Le graphique reprend aussi l’estimation de coût retenue dans l’étude périodique de l’AIE sur le LCOE (« Levelized Cost of Energy ») des différentes sources d’énergie ainsi que le coût au kWe suggéré en 2021 à RTE par le gouvernement français pour l’étude « Futurs énergétiques 2050 » (coût des 2 premiers EPR – hypothèse haute).
Evolution du délai de mise en service commercial
Le graphique suivant met en évidence l’évolution du délai de mise en service du premier EPR d’Hinkley Point C. EDF est aussi ambigu sur ce qu’est la mise en service d’Hinkley Point C. En 2007, le rapport annuel mentionne : « Le Groupe prévoit que la première centrale nucléaire pourrait être opérationnelle avant la fin 2017. EDF devrait prendre une décision définitive d’investissement en 2010-2011.[8]». Lorsque l’accord d’association sera signé avec le chinois CGN, EDF indiquera « La mise en service d’Hinkley Point C est prévue en 2025.[9]». A partir de 2017, EDF utilise les termes « livraison de la tranche 1 » et ensuite et jusqu’en 2024 de « début de production d’électricité ».
[8] Groupe EDF, Document de référence 2007 , page 77
[9] Communiqué de presse du 21 octobre 2015
L’évolution du délai de livraison d’Hinkley Point C est également significative en particulier depuis 2021 : en 3 ans, de janvier 2021 à janvier 2024, la date de début de production de la tranche 1 a été reportée de 3 à 4 ans (de juin 2026 à 2029 ou 2030).
Evolution du prix de l’électricité
L’évolution du prix garanti selon le « Contract for Difference » donne une référence du coût de l’électricité nucléaire qui sera produite à Hinkley Point C. Ce prix s’élève à 104,9 £/MWh (117,5 €/MWh au taux de change de l’année) en 2020 et 123,9 £/MWh (142,5 €/MWh) en 2023.
On gardera à l’esprit que le taux de rentabilité prévisionnel (qui avait baissé de 10% à 6,9-7,2% de 2013 à 2021) n’est plus communiqué. Au vu de l’augmentation du coût d’investissement il a continué à diminuer sans pouvoir être estimé avec précision. Ce qui signifie qu’avec le prix indexé un rendement satisfaisant n’est pas assuré à EDF. Il serait utile (et transparent) qu’EDF communique le taux de rentabilité prévisionnel sur base des dernières revisions communiquées en 2024.
En synthèse
1°) Le coût d’investissement « overnight » annoncé au kWe des EPR de Flamanville et d’Hinkley Point C a été multiplié, en monnaie constante, respectivement par 3,8 et par 2,0 depuis les décisions initiales.
2°) Ce coût atteint 8.700 €2020/kWe pour Flamanville et 12.400 €2020/kWe pour Hinkley Point C
3°) Ce coût est significativement supérieur à celui de 3.466 €2020/kWe utilisé pour la France dans la dernière étude du coût de l’électricité de l’AIE (2020)
4°) Ce coût est aussi significativement supérieur au coût de 5.953 €2020/kWe utilisé dans l’étude de RTE « Futurs énergétiques 2050 » pour la première paire d’EPR à construite à Penly, dans un scénario de maîtrise industrielle.
5°) Pour Flamanville le coût total de l’électricité produite s’établit sans une fourchette de 125 à 150 €2020/MWh
6°) Pour Hinkley Point C le prix garanti par le Contract for Difference s’établit à 117,5 €/MWh en 2020 et 142,5 €/MWh en 2023.
7°) Hinkley Point C devait être un investissement réalisé à des conditions normales de marché. Il serait utile et transparent qu’EDF publie le taux de rentabilité prévisionnel sur base des dernières données de coût et de calendrier disponibles.
© Michel Allé
Février 2024 – Modifié mars 2024