Perspective 2030 : intensité énergétique du PIB

S’interroger sur l’accélération

Tous les travaux de prévision à moyen terme du système énergétique mondial le confirment : la diminution de l’intensité énergétique du PIB se poursuivra à l’horizon 2030, et au-delà, à l’horizon 2050. Les moteurs de cette évolution sont :

  • la diffusion accrue des technologies d’efficience, dans les économies développées comme dans les économies émergentes (en particulier la Chine et l’Inde)
  • la tertiarisation des économies émergentes (ici aussi en premier lieu la Chine)
  • les politiques publiques notamment celles induites par l’urgence climatique.

Le graphique présente l’évolution mesurée jusqu’en 2022 et l’évolution dans la trajectoire prudente que nous avons retenue en nous basant sur le scénario STEPS du rapport World Energy Outlook 2023 de l’AIE.

La baisse de l’intensité énergétique s’accélère à un rythme annuel de 1,6% de 2022 à 2030 à comparer au rythme de 1,3% de 2011 à 2022. 


La baisse peut-elle s’accélérer ?

Le potentiel d’accélération dépend de l’accélération de la diffusion des technologies les plus efficaces, de l’intensification des politiques énergétiques et, potentiellement, des changements de comportement.

Les technologies efficientes en énergie (pompes à chaleur, conception des bâtiments, électrification des processus industriels, véhicules électriques y compris à deux roues, etc.) sont largement disponibles et éprouvées, la plupart du temps à un coût raisonnable. Leur déploiement plus rapide pourrait accélérer la baisse de l’intensité. Il est cependant parfois freiné par des mécanismes de marché : c’est ainsi que la propension des constructeurs automobiles occidentaux à privilégier les véhicules électriques haut de gamme (et à marge élevée) freine leur pénétration auprès des classes moyennes : il a fallu attendre la menace chinoise pour que Stellantis, Renault, Volkswagen ou GM accélèrent leurs développements de plus petits véhicules électriques.

Les politiques publiques, lorsqu’elles sont cohérentes et constantes dans le temps, ont un effet accélérateur. L’amélioration de l’efficacité énergétique dans l’industrie ou le bâtiment en Allemagne, depuis 2010, en est un bon exemple. D’autres efforts sont plus complexes : réduire le nombre de passoires énergétiques en France et en Belgique, qui en regorgent, semble un difficile combat. Enfin les politiques publiques sont souvent contradictoires : les subsides massifs aux énergies fossiles suite à la guerre en Ukraine et au retour de l’inflation en sont l’exemple le plus visible. En consacrant aux « boucliers tarifaires » des montants sans commune mesure avec les soutiens à la transition énergétique de nombreux gouvernements européens ont ralenti la prise de conscience et la prise de décisions des consommateurs et des entreprises. Aux Etats-Unis les états les plus liés historiquement aux énergies fossiles (charbon et pétrole) conduisent souvent des politiques freinant la transition, y compris l’utilisation rationnelle de l’énergie. Le Texas en est un exemple caricatural : il est à la pointe à la fois en matière de développement des renouvelables (car compétitifs) et de politiques publiques promouvant le maintien forcené de l’usage du gaz et du pétrole.

Enfin, la pandémie Covid-19 et la guerre en Ukraine ont mis en évidence le potentiel de changement des comportements et de résilience de l’activité économique par rapport à la contrainte énergétique. Certes les prix élevés de l’énergie constituent une menace pour les industries les plus énergivores en Europe (chimie, métallurgie, etc.) mais les industries moins lourdes et les consommateurs ont montré que sobriété énergétique et résilience de l’activité pouvaient se combiner. Le potentiel à long terme de la sobriété et de l’adaptation des comportements est difficile à évaluer mais notre intelligence collective serait avisée d’y faire appel.


En synthèse

Globalement les leviers d’amélioration de l’intensité énergétique pourraient améliorer sa baisse de 0,4% à 1,0% par an ce qui représente, à l’horizon 2030 et à évolution inchangée du PIB 3% à 8%, d’énergie primaire en moins soit 500 à 1.250 millions de tonnes-équivalent-pétrole.

© Michel Allé
Décembre 2023