Controverses et décryptage
« Il faut être prêt, c’est sûr, à toutes les éventualités,
Claude Allègre
réchauffement comme refroidissement. »
L’imposture climatique, 2010
Souvent, le climat, l’énergie et, surtout, l’opposition entre nucléaire et renouvelables sont l’objet d’affirmations péremptoires et définitives fondées la plupart du temps sur des convictions fortes. Lesquelles ne se basent pas ou rarement sur des faits ou des chiffres avérés !
On peut s’interroger sur ce qui motive leurs auteurs. La recherche de notoriété médiatique (d’autant plus facile qu’on s’inscrit à contre-courant) ? La volonté de renforcer notre propension naturelle à sous-estimer les défis ? La représentation de groupes d’intérêt se nourrissant du statuquo ? Les égos surdimensionnés ? Tout à la fois ?
Les conséquences en sont la plupart du temps la confusion des esprits, un sérieux coup de frein à la prise de conscience et des fractures durables dans l’opinion publique. Et une débauche d’énergie nécessaire pour remettre au cœur les faits, les chiffres et les constats avérés. Avec, au bout de la route, l’absence d’intelligence collective pourtant nécessaire lorsqu’on est confronté à des défis majeurs.
Claude Allègre : scientifique, ministre et pionnier climato-sceptique
Claude Allègre fût d’abord un scientifique reconnu, spécialiste de la géochimie et ensuite un homme politique, ministre de l’Education nationale au parcours controversé dans le gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à 2000. Auteur prolifique, il défend dans les années 1980, avant la création du GIEC, la thèse de l’influence de l’homme sur le climat et du réchauffement climatique qui découle des émissions de gaz à effet de serre. Mais en 1995, année du deuxième rapport du GIEC, qui mène au traité de Kyoto, il change brusquement d’avis pour estimer qu’il s’agit d’un danger imaginaire inventé par les lobbies et que « malgré l’évidence on continue à affirmer l’existence de l’effet de serre et ses dangers imminents ».
Il persistera par la suite et « L’Imposture climatique ou la fausse écologie », publié en 2010, sera l’apogée de sa croisade. Non content de mettre la même probabilité sur le refroidissement et sur le réchauffement Allègre nous indique, entre autres, « je crois, en l’état, que, aux teneurs actuelles, l’influence majeure du CO2 sur le climat n’est pas démontrée, et qu’elle est même douteuse ». Il n’hésite pas à y ajouter une autre conviction : « je suis convaincu que, d’ici cinq ans, toutes les prédictions climatiques fondées sur les modèles informatiques apparaîtront comme fausses … ». Pour synthétiser : Le réchauffement ? Un « mythe sans fondement », une « théorie aussi incertaine qu’inutile », en un mot une « imposture »
Le livre sera un succès (au moins 120.000 exemplaires vendus) et de nombreux lecteurs en ressortiront durablement convaincus.
Décryptage
Dès la publication de L’imposture climatique les assertions de l’ouvrage seront largement décryptées et déconstruites par la communauté scientifique et par la presse.
L’Académie des Sciences française, dont fait partie Claude Allègre, est saisie du sujet et publie le 26 octobre 2010 un rapport intitulé « Le changement climatique » résultat d’un débat ouvert à quelque 120 scientifiques français ou étrangers, sous forme de contributions écrites et d’un débat oral tenu le 20 septembre 2010. Le rapport est plein de nuances mais ses conclusions parlent d’elles-mêmes :
« Plusieurs indicateurs indépendants montrent une augmentation du réchauffement climatique de 1975 à 2003. »
« L’augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l’activité humaine. »
« Les projections de l’évolution climatique sur 30 à 50 ans sont peu affectées par les incertitudes sur la modélisation des processus à évolution lente. Ces projections sont particulièrement utiles pour répondre aux préoccupations sociétales actuelles, aggravées par l’accroissement prévisible des populations. »
Des analyses décrypteront aussi les approximations et manipulations de données de l’ouvrage. La plus cocasse mais effarante en terme de rigueur scientifique est l’assertion relative au vote qui aurait eu lieu « parmi les spécialistes américains du climat ». Claude Allègre dit : « Le 19 octobre 2009, le Bulletin de la Société météorologique américaine a rendu public les résultats. Les voici : 50% d’entre eux ne croient pas à l’influence de l’homme sur le climat, 27% en doutent. Seuls 23% croient aux prédictions du GIEC. Voici ma « solitude » ! » [1]. L’article a bien été publié[2]. Le vote a bien eu lieu. Les résultats sont bien ceux-là. Mais ce sont 121 présentateurs météo TV qui ont participé au vote et non « les spécialistes américains du climat ». Et, parmi ces présentateurs, seuls 45% n’étaient pas d’accord ou pas du tout d’accord avec l’affirmation « Global warming is a scam » (« Le réchauffement global est une arnaque »).
Depuis lors, les faits ont tranché. Comme en attestent les courbes du GIEC mais surtout les records répétés de température annuelles, Claude Allègre n’était pas crédible.
[1] L’imposture climatique, Claude Allègre, (Plon, 2010), page 138
[2] Opportunities and obstacles for television weathercasters to report on climate change, Kris Wilson, Bulletin of the American Meteorological Society, October 2009
© Michel Allé
Décembre 2023