Le poids de l’histoire
Révolution industrielle, globalisation et émissions cumulées de CO2
Le monde occidental a tendance à l’oublier. Le développement économique et social, initié par la révolution industrielle et basé sur l’usage intensif des fossiles (nous avons été les premiers à pratiquer l’extractivisme) n’a longtemps concerné qu’une partie de la population mondiale. Regardons le graphique des émissions cumulées de CO2 d’origine énergétique.: jusqu’en 1960, il y a à peine 64 ans. La quasi-totalité des émissions de gaz à effet de serre avait pour sources l’Amérique du Nord et l’Europe.
En 1960, 82% des émissions cumulées de CO2 d’origine énergétique depuis la révolution industrielle provenaient de l’Amérique du Nord et de l’Europe (UE+UK). La population de ces deux régions représentait 20% du total mondial. Quant aux émissions de l’année elles s’élevaient à 82% du total ! La situation a certes évolué depuis. La Chine est devenue un géant économique, de nombreux pays autrefois qualifiés de sous-développés ont émergés, la globalisation a changé les c
C’est ainsi que l’Amérique du Nord et ’Europe (UE+UK) qui émettaient toujours plus de la moitié du CO2 d’origine énergétique en 1980 ne représentent plus, en 2022, que 23,4% du total (les émissions ont baissé de 34% en Europe mais ont encore augmenté de 7% en Amérique du Nord).
La part de la Chine est passée de 7,7% à 30,7% et les émissions y ont été multipliées par 6,6. Le reste de l’Asie-Pacifique a multiplié par 2,2 ses émissions (avec une part passée de 13,2% à 21,9%) et le reste du Monde par 1,8 (part passée de 12% à 17,4%).
Evolution récente des émissions cumulées
L’évolution récente des émissions cumulées montre la montée en puissance des pays non occidentaux.
Fin 2022 sur un total d’émissions cumulées de 1.773 milliards de tonnes de CO2 d’origine énergétique l’Amérique du Nord et l’Europe (UE+UK) représentent cependant toujours 47% du total pour 11,2% de la population mondiale. Le bilan spécifique de l’Europe reste lourd mais s’améliore significativement : 21% des émissions cumulées pour 6,5% de la population mondiale. Celui de l’Amérique du Nord reste très lourd : 26% du total des émissions cumulées pour 4,7% de la population mondiale !
Quand au bilan de la Chine, il s’alourdit rapidement. Fin 2022 les émissions cumulées représentent 14,7% du total pour 17,8% de la population. La Chine s’approche du point de balance où sa part des émissions cumulées dépassera sa part dans la population mondiale. Il lui sera plus difficile de s’ériger en leader du « Global South » persécuté en matière climatique par les pays historiquement développés.
La dette climatique : un vrai enjeu
Il n’en reste pas moins que les pays historiquement développés qui ont basé, en particulier au XXème siècle, leur développement sur l’exploitation des énergies fossiles ont une responsabilité particulière dans le changement climatique.
Quantifier cette responsabilité historique n’est pas simple : faut-il tenir compte de tous les gaz à effet de serre ou seulement des émissions d’origine énergétique ? comment tenir compte de la durée de vie des gaz ? comment tenir compte de l’absorption par les océans (et de ses limites qui apparaissent progressivement) ? à quelle population se rapporter (les générations successives ou la population actuelle) ?
Il serait présomptueux de prétendre être capable de présenter un indicateur qui ne soulève pas de questions. Mais se faire une première indication de l’ordre de grandeur de la dette relative des régions du monde permet une (saine) prise de conscience. Nous avons donc calculé, sur base des données d’émissions de CO2 d’origine énergétique, les émissions cumulées par habitant, au niveau mondial et pour chacune des grandes régions. L’indicateur donne une première indication de la « dette » climatique. Le calcul est présenté pour 2000 et 2022.
La dette CO2 : le grand écart
La dette CO2 (origine énergétique) s’établit fin 2022 à 223 Tonnes par habitant au niveau mondial. Celle de chaque nord-américain est 5,5 fois supérieure à la moyenne mondiale (1.239 TCO2/habitant) et celle de chaque européen (UE+UK) 3,3 fois supérieure (728 TCO2/hab). Celle des européens (hors UE+UK) est de 576 TCO2/hab fortement influencée par les émissions élevées de la période soviétique (pour la Russie et les pays « satellites » de l’époque).
La dette CO2 de chaque chinois a été multipliée par 3,5 en 22 ans et se rapproche logiquement de la moyenne mondiale (185 TCO2/hab) et celle de chaque habitant du reste de l’Asie-Pacifique et du reste du Monde est inférieure à la moitié du niveau mondial.
En synthèse
1°) Jusque au milieu du XXème siècle plus de 80% des émissions cumulées de CO2 d’origine énergétique avaient l’Amérique du Nord et l’Europe (UE+UK) pour origine
2°) Le développement mondial, en particulier celui de la Chine a initié un début de rééquilibrage. Mais fin 2022 l’Amérique du Nord et l‘Europe (UE+UK) représentent toujours 47% du total
3°) Le poids de la Chine dans les émissions cumulées a cru rapidement pour s’approcher de son poids dans la population
4°) Les émissions cumulées de CO2 par habitant donnent une première indication de la dette climatique
5°) La dette climatique par habitant de l’Amérique du Nord est significativement plus élevée que la moyenne mondiale (5,5 fois) et celle par habitant de l’Europe (UE+UK) 3,3 fois plus élevée.
© Michel Allé
Février 2024